Crédit immobilier : l'apport personnel en cinq questions

Manuel Apruzzese
Mis à jour par & Pierre Chevillard
le 11 janvier 2022
Journaliste chez PAP.fr

L'apport personnel est essentiel pour décrocher votre prêt immobilier : il rassure votre banquier, il améliore votre profil d'emprunteur, renforce votre pouvoir d'achat immobilier et vous permet de décrocher un bon taux d'intérêt. Reste à savoir comment le constituer et l'optimiser.

© COROIMAGE/Getty Images

Obtenir un crédit immobilier sans apport personnel est particulièrement difficile voire impossible aujourd'hui. A minima, vos fonds propres doivent financer les dépenses annexes comme les frais de notaire (2 à 3% du prix dans le neuf), le coût des garanties (hypothèque ou caution d'une société spécialisée), des montants qui varient en général entre 1 et 1,5% du montant emprunté. N'oubliez pas non plus les frais de dossier ou de courtage si vous passez par un courtier. Au résultat, l'apport minimum dans le neuf compte pour 5% du prix du projet. Mais les banques, prudentes en la matière, vous demanderont souvent un apport minimum de 10%

Pourquoi faut-il un apport personnel ?

Les atouts de l'apport. Placer des fonds propres dans votre financement rassure votre banquier sur votre capacité à mettre de l'argent de côté, donc à rembourser votre crédit. Autre vertu de l'apport : il améliore votre dossier. Avec lui, vous empruntez moins et/ou sur une durée plus courte, ce qui vous permet d'obtenir un bon taux d'intérêt, mais aussi de respecter les règles mises en place par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Vous ne pouvez pas consacrer plus de 35% de vos revenus à vos remboursements et la durée de votre emprunt doit rester en dessous de vingt-sept ans (vingt-cinq ans plus deux ans au titre du temps de chantier).

Sécurisation tous azimuts. La notion de risque, pour vous comme pour la banque, est très importante pour saisir les tenants et aboutissants de l'apport personnel. Si vous êtes obligé de revendre pour cause de force majeure (perte d'emploi, divorce, etc.), vous devrez consentir une baisse du prix pour céder le bien rapidement. Si vous avez emprunté sans apport, vous risquez de devoir à la banque plus d'argent que vous ne lui en avez emprunté. La présence d'apport minimise ce risque puisque dans ce cas, le crédit ne couvre pas la totalité de votre dette immobilière. Vous pourrez donc revendre sans mettre vos finances en danger. De son côté, la banque sera rassurée puisqu'elle sera certaine de récupérer sa mise.

Et les investisseurs ? Dans la plupart des cas, les investissements locatifs dans le neuf se financent par un prêt immobilier. Recourir à l'emprunt est même très efficace sur le plan fiscal. Les intérêts sont déductibles des loyers, ce qui fait baisser la base imposable de l'investisseur, donc ses impôts. Dans cette logique, on pourrait imaginer qu'il vaut mieux financer les investissements locatifs à 100 % par le crédit. En réalité, les banques accepteront rarement de consentir un prêt qui couvre l'intégralité de la valeur du bien. Cela dit, placer 10 ou 20 % d'apport vous permet quand même de déduire beaucoup d'intérêts. Et la mensualité sera plus basse : elle sera donc davantage couverte par le loyer, ce qui minorera l'effort d'épargne (somme versée par l'investisseur chaque mois dans l'opération, sachant que la mensualité est le plus souvent supérieure au loyer).

L'avis du spécialiste
« Les candidats à l'achat immobilier sont très bien informés et ne se lancent pas à l'improviste », indique Ludovic Huzieux, cofondateur .d'Artemis Courtage. « Dans la plupart des cas, ils disposent d'un apport personnel même lorsqu'ils achètent pour la première fois car ils veulent mettre toutes les chances de leur côté. »

Comment constituer votre apport personnel ?

Votre premier objectif d'emprunteur : garnir votre bas de laine pour injecter ensuite son contenu dans votre plan de financement. Vous pouvez utiliser vos économies et/ou vos placements, recourir à la solidarité familiale via une donation ou un emprunt, débloquer la participation aux bénéfices de votre entreprise. Notez également que certains financements aidés comme le PTZ ou les prêts issus de l'épargne-logement sont constitutifs d'apport personnel. Évidemment, si vous revendez un bien pour acheter dans le neuf, le problème de l'apport ne se pose plus.

De l'intérêt d'anticiper. Un achat immobilier, ça se prépare. Notamment en terme d'apport personnel. Si vous êtes jeune, épargnez dès le premier salaire. Même avec un petit boulot, l'ouverture d'un Plan épargne logement (PEL) ou un Compte épargne logement (CEL) est un bon début. Il suffit de verser 45 € par mois pour ouvrir ce type de placement. Le PEL rapporte 1% par mois, le CEL 0,25% (chiffres de début 2022). Vous pouvez aussi ouvrir un Livret A (0,5% par an début 2022, avec sans doute un passage à 0,80% en février 2022. Pour bâtir cet apport, mieux vaut privilégier des placements sécurisés, avec notamment une garantie en capital. Bref, ne comptez pas bâtir un apport en jouant les traders avec votre smartphone.

Pensez à la solidarité familiale. De nombreux parents aident leurs enfants en leur consentant une donation. Un acte facilité par une fiscalité favorable. En effet, chaque parent peut donner à ses enfants, tous les quinze ans, jusqu'à 100 000 € sans payer de droits.En revanche, évitez le prêt familial pour constituer votre apport. Vous devrez matérialiser cet acte par écrit pour éviter d'être requalifié en donation déguisée et vous devrez rembourser le prêteur. Du coup, la banque va inclure ce prêt familial dans votre taux d'effort... Autre mauvais plan : souscrire un crédit conso pour constituer ou augmenter votre apport. La banque va s'en rendre compte (elle décortique vos comptes avant de donner son accord) et elle va douter de votre fiabilité, compliquant l'obtention du crédit.

N'oubliez pas la participation. D'autres solutions vous permettent de bâtir votre apport personnel. Si vous faites partie d'une société de plus de cinquante salariés, vous bénéficiez d'une participation aux résultats de l'entreprise. Vous avez la possibilité de demander son déblocage anticipé si vous achetez. Notez également que de nombreux financements aidés sont dits constitutifs d'apport personnel. C'est notamment le cas du PTZ, un crédit gratuit réservé à ceux qui achètent leur première résidence principale dans le neuf. Les prêts issus de l'épargne logement, certaines aides des collectivités locales sont logés à la même enseigne. 

L'avis de la spécialiste
« Mieux vaut anticiper la constitution d'un apport personnel le plus tôt possible » conseille Estelle Laurent, responsable de la communication du courtier Crédixia. « Même quelques milliers d'€ mis de côté peuvent faire la différence auprès des banques le moment venu. »

Apport : quelles conséquences sur le crédit ?

Le taux d'intérêt que vous accordera la banque dépend de nombreux critères : durée du crédit, capacité d'endettement, âge et état de santé de l'emprunteur, adresse du bien, etc. Mais l'apport personnel est l'un des plus importants puisqu'il va conditionner bien des aspects de votre prêt immobilier, notamment en termes de taux d'effort et de durée.

L'apport et le taux d'effort. Plus votre apport est important, moins vous empruntez. Du coup, vous allégez vos mensualités à budget immobilier constant. Vous aurez donc plus de facilités à les payer ,ce qui va rassurer la banque (il faut toujours rassurer la banque). Autre avantage : vous allez respecter plus facilement la double règle des 35% de taux d'effort et de vingt-sept ans de remboursement imposée par le HCSF, limitant considérablement le risque de refus de crédit. 

Démonstration par l'exemple. Pour un revenu net de charges avant impôt de 3 600 € par mois, le seuil de 35% impose de cantonner la mensualité en dessous de 1 260 €. Pour un projet de 280 000 € avec 30 000 € d'apport, vous empruntez 250 000 € sur vingt ans à 1,20, soit une mensualité de 1 172 €. Votre taux d'effort est de 32,56%, votre dossier passe. Sans apport, vous auriez du emprunter 280 000 € sur vingt ans à 1,40% (le taux monte car le dossier est plus risqué). La mensualité serait montée à 1 338 €, soit un taux d'effort rédhibitoire de 37,17% (calculs volontairement simplifiés donnés à titre indicatif).

L'avis de la spécialiste
« Les emprunteurs doivent se souvenir d'une règle de base : plus l'apport est élevé meilleures sont les conditions du crédit immobilier », note Sandrine Allonier, directrice de la communication du courtier Vousfinancer.

Quel type d'apport personnel ?

A priori, on pourrait croire que tous les apports personnels se valent. Or ce n'est pas tout à fait le cas. Les banques, on le sait, cherchent à minimiser les risques lorsqu'elles accordent un prêt immobilier. Pour elles, un apport qui provient d'une épargne est bien plus rassurant puisqu'il confirme que vous savez mettre de l'argent de côté et que vous gérez vos finances raisonnablement, en bon père de famille. Du coup, elles estimeront que vous serez capable d'assumer les remboursements de votre prêt

Question de risque. Si votre apport est constitué d'un héritage ou d'un don familial, il sera certes bien vu par la banque, mais il ne témoignera pas de votre capacité à mettre de l'argent de côté. Les financements aidés comme le PTZ, qui sont constitutifs d'apport personnel, sont perçus de la même manière par les établissements financiers. Au résultat, ils vous aideront à concrétiser votre projet mais comme les banque les jugeront un peu moins rassurants, votre taux sera légèrement plus élevé. Attention : les financements aidés sont bien des prêts immobiliers et ils doivent eux aussi être remboursés.

L'avis de la spécialiste
« Même si sur le papier ces différents apports sont identiques, au final le taux proposé par le banquier ne sera pas tout à fait le même », confirme Maël Bernier, Directrice de la communication de Meilleurtaux.com. « Un emprunteur qui dispose de 30 000 € d'apport issus d'une épargne régulière bénéficiera de meilleures conditions surtout s'il gère son compte bancaire avec rigueur et sérieux. »

Crédit : quels sont les autres critères des banques ?

L'apport est capital. Mais il ne fait pas tout.Car les banques, très prudentes lorsqu'il s'agit de prêter, vont chercher un maximum de certitudes quant à votre capacité à rembourser (souvenez-vous : il faut toujours rassurer les banques). Les deux points qui comptent le plus : votre situation professionnelle et la gestion de vos finances personnelles.

Côté profession. Pour emprunter, mieux vaut être fonctionnaire ou titulaire d'un emploi en Contrat à durée indéterminée (CDI), autrement dit montrer que votre situation professionnelle est stable. Les indépendants, les chefs d'entreprise ou les professions libérales gardent un accès au crédit. Mais ces emprunteurs devront prouver la stabilité de leurs revenus sur les trois dernières années, contre trois mois pour les CDI et les salariés de la fonction publique. La bonne nouvelle : en 2022, les banques sont moins exigeantes sur le secteur d'activité dans lequel l'emprunteur travaille, alors qu'elle l'étaient lors des premiers épisodes de confinement.

Bon gestionnaire. Vos comptes bancaires doivent être bien tenus. Les baques tiquent face aux comptes à découvert. Elles n'aiment pas les dépenses somptuaires, ou encore les jeux en ligne. Les chèques ou cartes bancaires refusés, les avis à tiers détenteur et l'inscription à un fichier Banque de France vont conduire les banques à refuser votre dossier. Là encore, votre priorité, c'est de rassurer la banque sur vos capacités à gérer votre argent en bon père de famille.

Ces critères qui comptent. Le reste à vivre (l'argent qu'il vous reste après avoir payé votre échéance de prêt) doit être suffisamment important. Le saut de charges (la différence entre le loyer et les mensualités du crédit) doit être raisonnable. Mieux vaut disposer d'une épargne résiduelle en plus de l'apport. En moyenne et à titre indicatif, cet argent mis de côté représente environ six mois de mensualités (chaque banque fixe ses condition aux cas par cas).

L'avis du spécialiste
« Mieux vaut démarrer un projet immobilier par une visite chez un courtier » conseille Olivier Lendrevie, président de Cafpi. « L'emprunteur saura s'il satisfait aux critères de prêt, qu'il s'agisse d'apport, de situation professionnelle ou familiale et pourra rectifier les points qui doivent l'être (découverts à purger ou crédit conso à solder par exemple). »


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