Comment financer son investissement locatif

Jérôme Augereau
Mis à jour par
le 7 février 2023
Journaliste chez PAP.fr

On ne finance pas un investissement locatif de la même façon qu’une résidence principale. Les points à surveiller : le taux, l'assurance, la prise en compte du loyer dans les remboursements, l'adaptation du prêt aux aléas de la location. Conseils pour réussir votre placement dans le neuf.

© VioletaStoimenova/Getty Images

Vous avez sélectionné votre investissement locatif ? Il ne vous reste plus qu’à décrocher le crédit immobilier qui financera l'opération. Pour ce faire, vous devez respecter toute une série de critères bancaires. Ils tiennent à vos revenus, à la gestion de vos finances, ou encore à votre montant d'apport personnel ou à votre épargne résiduelle (l'argent que vous gardez de côté pendant les remboursements). Vous vous intéresserez également au fonctionnement de votre emprunt et aux assurances qui lui sont associées. Nous vous donnons également de nombreux conseils pour choisir votre financement... au mieux de vos intérêts. 

Ce qu'il faut avant tout retenir : comme pour les crédits finançant la résidence principale, le prêteur raisonne en termes de risque et plus précisément de risque d'impayés. Donc, votre priorité, c'est de rassurer la banque sur votre capacité à rembourser votre emprunt. Une gestion saine de vos finances personnelles est indispensable. Mieux vaut disposer d'économies qui vous permettront de faire face à un imprévu (impayé de loyers, réparations locatives, etc.). Si vous possédez déjà d'un patrimoine immobilier, vous marquerez des points. « Pour une banque, un emprunteur constitue un placement qui doit offrir un rendement sur le long terme. Celui qui lui offre cette certitude a davantage de chances de décrocher son financement » explique Didier Laporte, patron du courtier Universal Broker Services.

Découvrez tous les logements neufs dans votre ville

Quels sont les critères des banques pour investir ?

D'une façon générale, le crédit qui finance un investissement locatif compte pour 90 % de la valeur du logement. Vous devez placer au moins 10 % d'apport personnel plus les frais de notaire dans votre projet. Sachant que les frais de notaire comptent pour 2 à 3 % du prix du bien, votre apport devra compter pour au moins 12 %. Dans certains cas, la part d'apport peut descendre à 5 % (par exemple si vous disposez de très hauts revenus ou de bons placements financiers). Les prêts à 100 %, qui couvrent l'intégralité du bien hors frais de notaire, sont très difficiles à obtenir. Et le 110 % (il inclut le crédit et tous les frais annexes) a pratiquement disparu.

Pour financer sereinement votre investissement, soyez prêt à accepter une baisse de 20 % du montant du loyer qui pourrait survenir en cas d’une offre locative très importante dans votre quartier. Un manque à gagner que vous devez être capable de compenser pour le remboursement de votre échéance. C'est pour cette raison que la banque va vous demander une épargne résiduelle. Son montant est variable selon les établissements financiers. Il peut représenter six ou douze mois de mensualité de crédit. Le bon plan : placez cette épargne chez la banque prêteuse. En contrepartie, elle pourra baisser votre taux ou vous accorder une ristourne sur les frais de dossier. 

Le plus souvent, le loyer ne couvre qu'une partie de la mensualité de crédit. Chaque mois, vous versez une certaine somme dans l'opération :  c'est l'effort d'épargne ou effort de trésorerie. Si votre échéance de prêt s'élève à 800 € par mois et que le loyer s'établit à 500 €, vous devez être en mesure d'injecter, chaque mois, 300 € dans l'opération. Pour réduire la facture, vous pouvez placer davantage d'apport personnel dans le projet, ce qui va diminuer le montant emprunté, donc la mensualité. Autre option : allonger la durée, à capital emprunté équivalent, fait baisser la mensualité. Attention à la date de fin de remboursement. Prendre un prêt sur 20 ans à cinquante-huit ans n'a pas de sens si l'on souhaite dégager des revenus positifs à la retraite.

Lors de l’examen de la demande de prêt, les banques calculent votre taux d’endettement (ou taux d'effort) en tenant compte de vos revenus et de vos dépenses. Conformément à la norme juridique définie par le Haut Conseil de stabilité financière (HSCF), ce taux d'effort ne peut pas être supérieur à 35 % de vos revenus. La banque raisonne selon un mécanisme "toutes charges". Côté recettes, elle intègre tous vos revenus, y compris les loyers de votre investissement (le plus souvent à hauteur de 70 %). Côté dépenses, elle prend en compte toutes les charges, y compris le prêt qui rembourse votre résidence principale. Si ce dernier constitue 25 % de votre taux d'effort, il vous reste 10 % de taux d'effort résiduel pour financer votre investissement locatif.

Quel taux pour un prêt investisseur ?

Les taux des crédits accordés aux investisseurs sont un peu plus élevés que ceux octroyés aux emprunteurs devenant propriétaires de leur résidence principale. Pourquoi ? Il s'agit d'une question d'appréciation du risque. Les loyers vont contribuer au remboursement d'une partie du crédit, l'autre relevant de votre effort d'épargne. La probabilité d'impayé pèse sur deux personnes, contre une en résidence principale, ce qui augmente le risque. D'où un taux d'intérêt un peu plus élevé (0,10 à 0,20 % par rapport à un prêt résidence principale).  Autre point important : la durée de votre crédit ne pourra sans doute pas dépasser 20 ans (25 ans en résidence principale). Ce n'est pas une règle juridique, mais une pratique bancaire. Notez que certaines banques n'accordent de crédit qu'aux investisseurs qui ont fini de payer leur résidence principale. 

Les banques pourront néanmoins accorder aux investisseurs des conditions équivalentes si elles financent déjà l’acquisition de la résidence principale. Mais attention : « négocier pour obtenir un taux excellent ne doit pas être une priorité pour les investisseurs. Ce qui compte, c'est d'obtenir le crédit » avertit Cécile Roquelaure, directrice des études et de la communication chez Empruntis. Il faut aussi prendre en compte un point fiscal très important. Les intérêts d'emprunt sont déductibles des loyers lorsque ces derniers sont déclarés aux impôts. Donc, plus les intérêts sont importants, plus les loyers baisse, ce qui fait diminuer votre base imposable, donc vos impôts. Bref, un taux un peu plus élevé optimise votre fiscalité.

Attention aux taux d'usure. C'est le niveau que le Taux annuel effectif global (TAEG) ne peut légalement pas dépasser. Il comprend le taux nominal du crédit (taux brut), l'assurance emprunteur, les garanties (hypothèque ou caution), les frais de dossier et ceux payés à un intermédiaire (courtier). Si votre TAEG dépasse le taux d'usure, la banque n'a pas le droit de vous accorder votre prêt. « Le mieux, c'est de s'y prendre à l'avance pour vérifier si l'on respecte les critères bancaires, connaître le montant du crédit et s'assurer que l'on reste bien sous le taux d'usure » recommande Julie Bachet, directrice générale du courtier Vousfinancer.

Crédit investisseurs : quelles assurances ?

Même si ce n'est pas une obligation juridique, vous devrez souscrire une assurance emprunteur. Sans elle, la banque refusera votre dossier. Mais contrairement à l’achat d’une résidence principale ou secondaire, elle ne vos demandera pas de souscrire l’assurance interruption temporaire de travail (ITT). Car le locataire paye une partie de la mensualité. Le coût total des primes d’assurance sera donc moins élevé. L’investisseur devra cependant souscrire l’assurance décès, associée à la Perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA). Notez que ces primes d'assurance sont déductibles des loyers (en location vide comme en location meublée) lorsque ces derniers sont déclarés au fisc.

La banque peut aussi vous demander de prendre une assurance loyers impayés. C'est notamment le cas si elle prend en compte 80 voire 100 % des loyers dans le calcul de votre plan de financement. Pour elle, il s'agit de réduire les risques liés au remboursement du crédit (souvenez-vous que votre priorité, c'est de la rassurer sur votre capacité à rembourser). Notez toutefois que cette assurance va aussi vous protéger contre cette éventualité de loyers impayés. Là encore, les primes sont déductibles des loyers en location vide comme en location meublée.

Intégrez la garantie du crédit dans votre plan de financement. Les banques acceptent aussi bien la caution d'une société spécialisée que l’hypothèque comme garantie qui leur permettra d’obtenir le remboursement du crédit immobilier en cas de défaillance de l’emprunteur. Mais la caution est la garantie la plus souvent proposée aux emprunteurs. « C'est la solution la moins coûteuse et dans la majorité des cas, l’emprunteur peut récupérer une partie de sa caution contrairement à l’hypothèque qui sera versée à fonds perdus », explique Ludovic Huzieux, cofondateur d'Artemis Courtage.

La banque s'intéresse-t-elle au logement ?

Vous vous souvenez : les banques, lorsqu'elles prêtent, cherchent un maximum de sécurité. Une exigence qui porte aussi sur la résidence et le logement. Elles sont vigilantes sur les vertus de l'emplacement. La desserte du programme, la proximité des services et des équipements collectifs, l'agrément du quartier et le dynamisme de la ville sont passés au crible. « L'objectif de l'établissement prêteur, c'est de s'assurer que le logement sera bel et bien loué et que les loyers seront régulièrement versés, sachant qu'ils contribuent au remboursement du crédit » indique Ludovic Huzieux. 

La qualité de l'adresse mais aussi la santé du marché de l'ancien sont également pris en compte. La banque va en effet vérifier que le logement (il garantit le crédit) se revendra correctement et à bon prix si vous ne pouvez plus rembourser le crédit. Dans cette logique, le neuf présente de solides atouts. L'offre se compose à 95 % d'immeubles qui pour l'essentiel se situent dans les secteur dits tendus, là où la demande en logements est très importante à la vente comme à la location. Et puis le neuf est toujours classé A ou B sur le diagnostic de performance énergétique. Or ce type de bien, toutes choses égales par ailleurs, se revend plus cher que les autres selon des études des Notaires de France.

Immobilier locatif : quel crédit choisir ?

Dans la majorité des cas, les investisseurs optent pour un crédit amortissable. La mensualité intègre une partie d'intérêts et une partie de capital. La première diminue au fil des remboursements, la part de capital augmentant. Les premières années, vous pouvez déduire davantage d'intérêts d'emprunt de vos loyers pour réduire vos impôts. En fin d'emprunt, lorsque les mensualités remboursent essentiellement le capital, l'optimisation fiscale est moins importante.

Autre option : le prêt in fine Le principe ? Lors du remboursement, la mensualité ne porte que sur les intérêts et l'assurance. L'effort de trésorerie est réduit et vous déduisez davantage d'intérêts de vos loyers. Vous remboursez le capital en une seule fois, au terme de l'opération. Pour être certain de disposer des sommes nécessaires le moment venu, le crédit in fine est adossé à un placement financier, en général une assurance vie.

Complexe, le crédit in fine est plus cher qu’un crédit classique de 0,10 à 0,20 %. Il doit être élaboré avec l’aide d’un professionnel car il faut en effet choisir le contrat d’assurance vie, l’apport initial et les abondements mensuels. Les rendements actuels et futurs des produits d’assurance vie étant bas, l’investisseur devra disposer de gros moyens financiers pour abonder son contrat qui doit lui permettre de rembourser à terme son crédit immobilier en une seule fois.

Comment adapter les remboursements d'emprunt ?

Rembourser le crédit immobilier de votre investissement tout en payant l’échéance de l’emprunt de sa résidence principale peut devenir intenable. Pour vous permettre de financer sereinement votre projet immobilier, les banques proposent généralement un différé total de remboursement d’une durée de deux ans. Chaque mois, vous ne payez que l’assurance du prêt, le remboursement des intérêts et celui du capital ne commençant qu’à la livraison du programme. C’est à ce moment-là que vous amortissez votre prêt. Vérifiez dans votre offre de financement s’il est possible d’allonger la durée du différé d’un an si la livraison du programme devait être retardée.

Pour piloter au mieux votre crédit immobilier, négociez l’ajout de certaines clauses qui vous permettront de vous adapter aux aléas de la location. La possibilité de reporter le paiement de votre échéance de crédit en cas d’impayés de loyers ou de vacance locative préservera votre trésorerie. « Il faut pouvoir bénéficier d’une grande flexibilité, conseille un courtier. Les meilleurs contrats offrent d’ailleurs la possibilité de reporter plusieurs fois sa mensualité. » Une souplesse qui a un coût puisque les intérêts non perçus lors de l’échéance généreront eux-mêmes des intérêts supplémentaires. Mais rappelons que ces intérêts sont déductibles des loyers.

Comment le crédit réduit-il les impôts ?

Contrairement à l’acquisition d’une résidence principale, l’investisseur locatif bénéficie d’une fiscalité très attractive. Le particulier achetant un logement pour le louer peut en effet diminuer sous certaines conditions ses revenus. En location vide (le régime classique qui concerne aussi la loi Pinel), les intérêts d’emprunt sont déduits des loyers (revenus fonciers en langage fiscal. Si le résultat obtenu est positif, on déduit les autres charges comme l’assurance loyers impayés, la taxe foncière, les frais de gérance du bien… Ce qui permet de réduire les revenus, donc la base imposable, donc les impôts. Ceux qui optent pour le statut de loueur en meublé professionnel (investissement en résidences services meublées) peuvent eux aussi déduire leurs intérêts d'emprunt de leurs recettes locatives.

Pour optimiser votre plan de financement, il est conseillé de négocier l'indemnité de remboursement anticipé qui représente légalement un semestre d’intérêts, plafonné à 3 % du montant des capitaux restants dus. Cette indemnité est en effet exigée par la banque quand l’investisseur décide de rembourser son crédit. Ce qui survient généralement à l’issue de la période de défiscalisation dont le particulier bénéficie, soit une durée maximale de 12 ans pour le dispositif Pinel par exemple. La pénalité de remboursement peut être réduite à 2 % des capitaux restants dus. L’emprunteur peut être aussi exonéré du paiement de cette indemnité après une période de dix ans. Il n’y a pas de règle en la matière. Tout se négocie !


La rédaction vous conseille