Quelle rentabilité pour la loi Pinel ?

Pierre Chevillard
Mis à jour par
le 20 juin 2022
Rédacteur en chef chez PAP.fr

Investir dans l’immobilier neuf, c’est payer un prix, percevoir des loyers et réduire ses impôts avec la loi Pinel. Mais quelle est la vraie rentabilité locative de ce placement ? Comment la calculer ? Quels pièges éviter ?

© SimpleImages/GettyImages

Les ventes aux investisseurs en locatif comptent pour la moitié des transactions annuelle dans le neuf. Un succès qui tient à des taux d'intérêt particulièrement bas, au bon rapport risque/rentabilité de l'investissement dans le neuf ou encore à l'envie de bâtir un patrimoine durable pour préparer la retraite. Sans compter la popularité sans cesse réaffirmée de la pierre, qui reste contre vents et marées l'un des placements préférés des Français. Autre facteur de cette réussite, le Pinel. Et pour cause : il offre une juteuse carotte fiscale aux investisseurs. Ces derniers peuvent, grâce à ce dispositif, percevoir un avantage fiscal égal à 12% du prix du logement sur six ans, 18% sur neuf ans ou 21% sur douze ans. Soit  36 000 € sur six ans, 54 000 € sur neuf ans ou 63 000 € sur douze ans.

Défiscalisation sous conditions. Pour profiter de cette manne, les investisseurs particuliers doivent respecter des plafonds de loyer et de revenus des locataires qui n'ont vraiment rien de dissuasif. Les loyers Pinel restent le plus souvent assez proches des valeurs du marché libre et plus de huit Français sur dix satisfont aux plafonds de ressources du dispositif. Autre raison de ce succès : le Pinel n'est possible que dans les secteurs dits tendus. Il s'agit des zones Abis, A et B1 du dispositif ainsi que de plusieurs communes bretonnes, dans le cadre de l'expérimentation Pinel de projet. Sur ces adresses, l'offre locative est inférieure à la demande, ce qui sécurise l'opération. Et puis, avec le Pinel, on peut défiscaliser en louant à ses enfants ou à ses parents, ce qui était interdit avec l'ancienne loi Duflot.

Important : le Pinel s'arrête fin 2024. En 2022, les taux de défiscalisation Pinel s'établissent à 12% du prix du logement sur six ans de location, 18% sur neuf ans et 21% sur douze ans. Ces taux s'abaisseront en 2023 et 2024 sauf pour les programmes les plus écologiques et pour ceux qui sont situés dans les Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville.

Pinel : quel rendement locatif brut ?

Concrètement, combien rapporte le neuf ? Le rendement brut, soit le loyer divisé par le prix, le tout étant multiplié par 100, oscille entre 2,5 et 3,5% en fonction des loyers de marché et du prix des logements. Cet indicateur permet de comparer ce qui est comparable. L’investisseur se basera sur les loyers hors charges puisque ces mêmes charges varient selon les résidences et leur localisation. Le prix doit être TTC, là encore pour une prise en compte objective. Rappelons que le neuf relève de la TVA à 20%. Dans ces conditions, investir en Pinel sur neuf revient à se faire rembourser la quasi-totalité de cette taxe par le fisc.

La rentabilité nette de charges. Elle intègre en plus les frais de copropriété, la fiscalité locale, etc.). Elle fait descendre le rendement brut d’environ 0,50 à 0,70% à titre indicatif. Si l’on ajoute l’avantage Pinel et les intérêts du prêt qui sont fiscalement déductibles des loyers, la rentabilité nette fiscalité incluse remonte : elle varie entre 3 et peut même monter à 4% dans certains cas. Et pour une vision aussi complète qu’objective, on calculera la rentabilité sur la totalité des sommes déboursées par l’investisseur. L’opération est d’autant plus intéressante que le taux crédit qui finance l’opération va être inférieur au taux de rentabilité locative.

Le rendement du neuf est-il compétitif ? La réponse est clairement positive. En 2022, l’assurance vie, le placement préféré des Français, ne devrait pas dépasser 1,50% brut hors fiscalité et prélèvements sociaux… Les placements sécurisés sont bien moins rentables (1 % pour le Livret A depuis février 2022 par exemple, avec un possible passage à 2 % en août prochain, ce placement étant indexé sur l'inflation) et leurs montants sont le plus souvent plafonnés. La bourse rapporte davantage. Mais elle est plus risquée et contrairement à l’immobilier, elle n’est pas assise sur un actif tangible comme la pierre. Certains placements exotiques type cryptomonnaies sont séduisants mais sont très risqués. Le plus souvent, ils sont réservés aux particuliers avertis, capables d’encaisser de fortes pertes.

Rentabilité : attention aux chiffres. Le bon rendement du neuf ne doit pas aveugler l’investisseur. Surtout si ce même rendement tient compte de l’avantage fiscal. Bien sûr, on peut toujours dire que le Pinel rapporte un point de rendement en plus. Mais il ne faut jamais confondre rentabilité et bénéfice fiscal puisque cette optique conduit à considérer l’immobilier comme un pur placement financier, ce qu’il n’est pas. Ceux qui privilégient cette approche financière prennent de gros risques puisqu’ils vont négliger les fondamentaux de l’immobilier locatif que sont l’adresse, la demande locative, la qualité du logement, le niveau des loyers, l’état du marché de la revente… En clair : pour réussir un investissement Pinel, il faut choisir un bon emplacement, sur un marché immobilier dynamique, avec une vraie demande locative et des perspectives de plus-values à la revente. 

Loi Pinel : une simulation réaliste pour calculer le rendement

Pour mesurer les tenants et les aboutissants de son placement dans le neuf, l’investisseur effectue des simulations. Elles permettent de cerner la rentabilité du Pinel. Mais encore faut-il éviter les pièges. Certains gonflent les loyers et leur évolution. D’autres intègrent systématiquement la revente (parfois en surestimant les prix), ce qui dope le rendement global. Il faut se méfier des simulations qui prennent systématiquement en compte la revente. Pour bien maîtriser un investissement Pinel, on fera faire deux simulations : l’une inclura la revente, l’autre pas. Les hypothèses de revalorisation des prix et des loyers devront rester raisonnables. On tablera ainsi sur des revalorisations de l'ordre de 1% par an pour les prix comme pour les loyers, les plus prudents pourront même diviser ce chiffre par deux. 

La réalisation de simulations objectives est d’autant plus importante que ce sont elles qui vont servir d’indicateurs pour bâtir le plan de financement. Or la priorité absolue est de ne pas mettre l’investisseur en danger sur le plan financier. Il ne faut pas oublier que le loyer ne couvre pas la totalité de la mensualité de crédit et que l’investisseur verse chaque mois une certaine somme dans l’opération. Or cet effort d’épargne doit rester raisonnable. D'ailleurs, les banques refusent de prêter lorsque le plan de financement est trop tendu. Elles demanderont une marge de manœuvre financière à l'investisseur, un peu d'apport et limiteront son taux d'effort tout compris (en intégrant par exemple le prêt qui finance la résidence principale) à 35% de ses revenus nets de charges.

Loyer et rentabilité : les subtilités du Pinel

Pour calculer le rendement du Pinel, on se base sur les plafonds de loyers du dispositif. Or ils obéissent à un calcul que certains ignorent et qui a une grande importance. Partant du principe que les petites surfaces se louent plus cher au mètre carré que les grandes, le Pinel introduit un coefficient multiplicateur. Comment ça marche ? On divise 19 par la surface du logement et on ajoute 0,7, le résultat ne pouvant pas dépasser 1,2. En zone B1, le plafond de loyer théorique est de 10,55 €/m² (chiffre 2022). Pour un 45 m², le coefficient est de 1,12 (19/45 + 0,7). Multiplié par le plafond du Pinel, le loyer monte à 11,81 €/m², soit 531,72 € de loyer mensuel. La rentabilité brute, sur la base du prix de 4 000 €/m², est à 3,50 % si on intègre le coefficient multiplicateur. Sans lui, elle tombe à 3,01%.

Quel rendement locatif pour les grandes surfaces ? Pour un 80 m², le coefficient est de 0,93 (19/80 + 0,7). Du coup, le loyer descend à 9,81 €/m² en zone B1, soit 784,80 € par mois. Avec un prix de 4 000 €/m², le logement rapporte 2,94% bruts. Ce qui reste acceptable. D’autant que les grandes surfaces offrent davantage de sécurité. Les locataires sont des familles qui s’approprient le bien et l’entretiennent mieux, limitant ainsi les frais de remise en état. Et elles restent plus longtemps dans les lieux, ce qui réduit le risque de vacance locative. Pour bien choisir, tout dépend de la stratégie de l’investisseur mais aussi de ses moyens financiers, sachant qu’à l’unité, les grands logements coûtent forcément plus cher que les petits.

Loyer Pinel ou loyer de marché ?

Autre point à surveiller : l’adéquation entre le loyer Pinel et le loyer de marché. Dans la plupart des cas, le premier est inférieur au second. A Montpellier (zone A), le plafond de loyer sans le coefficient multiplicateur est de 13,09 €/m². Pour un deux pièces de 45 m², le loyer calculé avec le coefficient multiplicateur monte à 14,66 €/m². Le loyer du secteur libre tourne autour de 16 €/m² pour ce type de bien. Résultat : le loyer Pinel est inférieur aux loyers de marché. Le logement trouve facilement locataire, la location est sécurisée et le différentiel est compensé par l’avantage fiscal. Bref, tout le monde est gagnant.

Parfois, les plafonds Pinel sont supérieurs au prix du marché. A Saint-Nazaire (zone B1), toujours pour un 45 m², le loyer Pinel coefficient multiplicateur inclus est de 11,81 €/m². Or les loyers de marché pour ce type de biens tournent autour de 10 €/m². En clair : l’investisseur qui se base sur les plafonds de loyers Pinel risque d’avoir du mal à trouver un locataire. Il devra se caler sur les valeurs de marché. Attention : ce n’est pas parce que les loyers Pinel sont supérieurs aux prix du marché que l’opération ne présente pas d’intérêt. Il faut simplement prendre cette donnée en compte pour placer le curseur au bon niveau, sachant qu'un loyer trop élevé risque de dissuader les locataires. Et sans locataires, il n’y a pas de loyer et donc pas de rentabilité ni d'avantage fiscal.

Bien s'informer sur l'investissement locatif Pinel. Un investisseur qui ne se penche pas sur ces questions prend des risques, ce qui est contraire aux principes mêmes de l’immobilier locatif. Ce dernier, rappelons-le, n’est pas un placement financier. Il est fait pour bâtir un patrimoine durable et percevoir des revenus. Dès lors, comment aborder au mieux cette épineuse question du loyer ? Il faut partir de l’emplacement puisque c’est de lui dont dépend le loyer. L’investisseur doit se livrer à une étude du marché locatif pour connaître les loyers de marché. Ensuite, il doit calculer les loyers Pinel en tenant compte du coefficient multiplicateur. Il pourra ainsi fixer le bon loyer pour trouver facilement son locataire. Et il n’oubliera pas qu’il a douze mois pour louer après l’achèvement du logement. S’il ne trouve pas preneur dans ce délai, il sera requalifié par le fisc.

Pinel : l’impact du prix du neuf sur la rentabilité

L’autre pilier du calcul de la rentabilité, c’est le prix du logement. Plus il est élevé, plus le rendement locatif baisse puisque le loyer, le plus souvent, ne suit pas le même rythme. Résultat : sur les secteurs chers, la rentabilité est moins élevée que sur les adresses plus abordables. Un phénomène qui va influer sur la stratégie de l’investisseur. Les secteurs chers sont en effet les plus résistants aux retournements du marché immobilier. A l’inverse, un secteur très abordable, donc très rentable, est davantage exposé à un risque de baisse du mètre carré. Bref, il faut partir du principe que la rentabilité rémunère le risque et que plus la première grimpe, plus le second est élevé.

Le Pinel réduit les risques locatifs. Il n’est autorisé que sur les secteurs caractérisés par une offre de logements inférieure à la demande. Il s’agit de Paris et des communes limitrophes (zone A bis), de l’Ile-de-France, du Genevois français, de la Côte d’Azur et de certaines grandes métropoles (zone A), des autres grandes agglomérations de plus de 250 000 habitants (zone B1) et de certaines communes bretonnes à forte demande locative. Résultat : sur la majorité des adresses, le risque reste modéré alors que le rendement, on l’a vu, est plus que correct et compétitif par rapport aux autres placements. En tout état de cause, l’intérêt de l’investisseur est de miser sur la sécurité patrimoniale et de ne pas tout sacrifier au rendement. Conclusion : il faut choisir un bon emplacement dans une ville à forte demande locative et avec un marché immobilier dynamique à la revente.


La rédaction vous conseille